Mariane Ibrahim a le plaisir de présenter une nouvelle exposition personnelle de l’artiste ruby onyinyechi intitulée The Poetics of Space du 1er septembre au 7 octobre 2023. C’est la seconde exposition de l'artiste avec la galerie, la première dans l’espace parisien.
À cette occasion, ruby onyinyechi a décidé de jouer avec l'espace et les modes de présentation. Tous les cadres et les socles ont été conçus par l'artiste qui a souhaité apporter une forte dimension tri-dimensionnelle à son exposition.
Il existe un terme mathématique pour désigner toutes les options possibles, ou l'ensemble des résultats possibles d'une expérience. Il s'agit de « l'espace des échantillons ». Il reflète le titre de l'exposition qui fait référence au livre de Gaston Bachelard intitulé La poétique de l'espace. Exister avec toutes les options possibles semble être une suggestion poétique, mais aussi une suggestion qui reflète cet équilibre qu'onyinyechi cherche entre l'objectif et le subjectif, la manière dont ces derniers forment une boucle l'un dans l'autre (rappelant ainsi l'Ouroboros, ce symbole ancien d'un serpent se mordant la queue : un récit de cyclicité, de renouveau, de changement).
L'artiste retient sept éléments récurrents dans ses dessins : les oiseaux, les vélos, l'architecture, ada (un extra-terrestre), audre (un léopard hybride), des piscines (également un élément d'architecture) et le papier lui-même. Cette cohorte définit son travail, et chaque dessin devient alors un groupe d'interactions. L’un implique audre, une piscine et des oiseaux ; dans cet autre, ada occupe l'avant et le centre du tableau, les oiseaux sont en arrière-plan. Quand elle dessine, onyinyechi déplace ces personnages en tout ou partie, explorant les relations entre eux, l'espace réel ou perçu, et les formes de proximité entre les choses.
ruby onyinyechi ne planifie pas ses dessins selon des formules précises. Son processus est guidé par le mouvement et par la relation de l'artiste avec le papier, placé sur le sol dans son atelier à Philadelphie. L'artiste se déplace, longe les côtés, les bords, les angles, change de direction, et reconfigure ainsi son dessin. Elle est à la recherche d'un équilibre, mais également de quelque chose qui le briserait, un côté décalé qu'elle affectionne. Avec cette méthode de travail, dit onyinyechi, le point de convergence est tout tracé pour elle. Pourquoi a-t-elle choisi ces sept éléments ? Ils font allusion au mythe et à la légende, à la présence et la représentation, à l'histoire de l'art et à un esprit des lieux qui n'est pas spécifique, mais qui reste pourtant bien défini. Le monde créé par onyinyechi est habité. La question qui se pose est de savoir comment il se meut.
Être en mouvement signifie « ne pas être fixe », rester flexible, ne pas seulement être dans le monde, mais créer un monde et en explorer toutes ses options. Il y a un jaillissement de petits dessins dans cette nouvelle exposition, mais la plupart des nouvelles œuvres d'onyinyechi exposées ici sont immenses. Cette ampleur lui procure davantage d'espace dans lequel elle peut se déployer, chacun de ses dessins devenant une réponse différente à la question des mathématiques, à la question de la configuration. À l'instar d'un jeu visuel, l’artiste organise et orchestre les sept éléments – des formes et des silhouettes différentes – et leur trouve un organigramme qui ne serait pas hiérarchique et qui changerait en permanence.
Le fait de regarder ces dessins est une invitation à rentrer dans le processus même de leur création. Regarder la fenêtre dans un dessin et imaginer faire de même avec un appareil photo ; les dessins sont le travail, mais la pratique implique aussi la photographie, la danse, l'observation de l'architecture. Toutes ces formes différentes infusent les dessins finaux et offrent un contrepoint doux à l'équation mathématique de la configuration, lorsque la structure organisationnelle de la danse ou de la littérature est vécue par les spectateurs comme une expérience ouverte, malléable, flexible.
Être dans l'espace, c'est aussi être dans le temps. Être dans l'espace des échantillons, c'est être dans le temps de la réflexion sur toutes les options possibles. Ce que vous voyez, ce sont les jours passés dans l'atelier, les sentiments et les émotions, le temps. Qui passe. Pas de manière frustrante, plutôt comme les saisons, d'une façon qui est doucement présente, toujours là, profondément ressentie.
Texte “I’ll See You in Time and Space” rédigé par l’écrivaine et critique d’art Orit Gat à l’occasion de l’exposition.