Mariane Ibrahim a le plaisir de présenter « Longing », la première exposition personnelle de Peter Uka, du 13 novembre au 18 décembre 2021.
La romancière Zadie Smith écrit au sujet du sentiment de « nostalgie historique » lequel n’est selon elle pas « possible » chez les Noirs : « Je ne peux pas retourner dans les années 50 parce que la vie durant ces années pour moi n'est pas jolie, pas plus qu'elle n'est jolie en 1320 ou 1460 ou 1580 ou 1820 ou même 1960 dans ce pays, très franchement. »
Les peintures à l'huile de grand format représentent cette idée de nostalgie et portent un regard sur des espaces oubliés. Ces œuvres intemporelles sont le fruit d'une interrogation : comment documenter une histoire qui n'a pas été écrite et qui n'a été racontée qu'oralement ? Des souvenirs historiques racontés et non cristallisés.
Des moments sont capturés, chacun représentant un épisode de réflexion, tous peints de mémoire uniquement. Uka tire sa force de souvenirs familiers du Nigeria spécifiques à une époque et à une mémoire collective identifiable. Ces instants sont gravés dans ses premiers souvenirs - les étreintes de ses frères bras dessus bras dessous, les couleurs vives et les motifs environnants – et représentent ce lien très personnel avec la première partie de sa vie laissée derrière lui lorsqu'il déménage en Allemagne.
Ses œuvres matérialisent une forme de réciprocité liée au fait de vivre à l’international, comme une affirmation de présence.
Durant le XXe siècle, les Afro-Américains ont conçu divers paradigmes politiques radicaux pour redéfinir leur position sociale et affirmer leurs droits en tant que citoyens et individus. Uka fait référence à ces théories en créant des scènes de vies quotidiennes, tout en accentuant les motifs et les couleurs dans le but de souligner cette nostalgie. L’artiste va au-delà du portrait et examine les gestes fugaces de figures apparaissant dans des espaces publics, loin de leurs intérieurs domestiques.
Les motifs et les fonds inspirés des papiers peints des années 70 embellissent ses nouveaux décors, un clin d'œil à ses œuvres précédentes qui s'inspirent également de plusieurs éléments posturaux, de mode et de danse. Les années 70, bien que toujours vivantes dans les mémoires, sont peut-être trop lointaines pour avoir une quelconque pertinence sur les perspectives identitaires actuelles. Cependant, elles permettent de se détourner d’une conversation artistique et historique qui reste largement centrée sur l'authenticité, l'oppression et la douleur.
Le stimulus de la pratique de Peter Uka provient de ce qu'il appelle "le saut quantique", un pas nécessaire vers l'inconnu dans le processus créatif. Ces moments de nostalgie sont la source d’une quête d’identité continue dans le travail de l’artiste. Il s’agit de la nostalgie d’une vie pleine de couleurs et de béatitude désireuse de laisser une place importante à la joie, à la réflexion et à la redéfinition.