Blue Lewoz est une nouvelle étape dans la spectaculaire trame de rencontres que créé l’artiste depuis plusieurs années, ainsi que la poursuite d’une réflexion incarnée sur la créolisation pensée par Édouard Glissant : ce qui s’exerce dans le ventre de la plantation – l’univers le plus inique, le plus sinistre qui soit, cette chose qui se fait quand même, [qui] laisse l’« être » battre d’une seule aile. Parce que l’« être » est déstabilisé par la diminution qu’il porte en soi et qu’il affecte lui-même de considérer comme telle, diminution qui est par exemple celle de sa valeur proprement africaine.
C’est à un bal secret des esclaves que nous convie l’artiste, au sein des grands salons de la galerie. Un bal bleu, en souvenir de la nuit dans laquelle vient se lover la fête toujours menacée, matériellement teinté d’indigo, ce mélange de plantes cultivées dans les empires coloniaux à partir du XVIIe siècle. Une couleur matrice bleue foncée incroyablement puissante, qui ici contamine l’exposition, déroulant une histoire guadeloupéenne, martiniquaise, européenne, et finalement planétaire. Un bleu-matière évocateur, dans toutes ses déclinaisons, du turquoise à l’outremer. Bleu des murs de la case-foyer, bleu de l’océan : traversée, tombeau, déesse et ventre.
Extrait d'un texte d'Eva Barois De Caevel.
Vidéaste : Cyril Paulus. Courtesy of Mariane Ibrahim.